Pilier 1
Le premier pilier de l’accord OCDE vise à mieux répartir les bénéfices, c’est-à-dire à réallouer certains profits des entreprises multinationales vers les Etats où leurs consommateurs sont situés. Pour les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires annuel consolidé supérieur à 20 milliards d’EUR, 25% des bénéfices supérieurs à 10% de ce chiffre d’affaires seront répartis vers les pays dans lesquels leurs biens et services sont utilisés et consommés. Il est à noter que seuls les Etats dans lesquels les entreprises concernées atteignent un chiffre d’affaires supérieur à un million d’EUR en bénéficieront. Afin de favoriser les moins riches, ce seuil est réduit à 250.000 EUR si le PIB de l’Etat en question est inférieur à 40 milliards d’EUR.
En raison du seuil de revenus élevé et de l'exclusion des services financiers réglementés et des industries extractives, le premier pilier ne devrait s'appliquer qu'à une centaine d’entreprises parmi les plus grandes multinationales au monde.
L'OCDE a indiqué que la mise en œuvre du premier pilier sera probablement reportée à 2024 au plus tôt.
Pilier 2
Le deuxième pilier se concentre quant à lui sur l’impôt des sociétés effectivement payé par les entreprises multinationales qui génèrent un chiffre d’affaires consolidé mondial de minimum 750 MEUR par an. Il est attendu que ces entreprises paient effectivement au moins 15% d’impôt sur leurs bénéfices. L’objectif est d’éviter que des grandes entreprises multinationales ne transfèrent leurs bénéfices vers des pays peu taxés, afin d’échapper en partie à l’impôt des sociétés.
La règle est appréciée par juridiction : pour déterminer le taux d’imposition effectif, il convient de prendre en considération l’ensemble des impôts payés sur le bénéfice total de toutes les entités du groupe dans la juridiction concernée. Il en découle que si dans une juridiction, le taux d’imposition effectif est inférieur à 15%, un impôt complémentaire devra être calculé.
Deux règles sont prévues pour le prélèvement de l’impôt complémentaire.
La première est la règle d’inclusion du revenu (RIR) qui permet à l’Etat de résidence de la société mère ultime du groupe de procéder au prélèvement de l’impôt complémentaire. Si cette entité mère ultime est une entité exclue ou qu’elle est établie dans un Etat ne disposant pas d’une RIR qualifiée, les entités mères intermédiaires qui se trouvent en dessous de l’entité mère ultime et qui se situent dans l’Union européenne, devraient être tenues d’appliquer la règle d’inclusion du revenu jusqu’à concurrence de leur part attribuable de l’impôt complémentaire.
Lorsque la RIR est insuffisante afin de prélever tout ou partie de l’impôt complémentaire, la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII) s’applique. Ce cas de figure se présente par exemple lorsque l’entité mère ultime et les éventuelles entités mères intermédiaires sont situées dans une juridiction qui ne dispose pas d’une règle d’inclusion du revenu ou lorsqu’il s’agit d’une entité exclue. La RBII permet de prélever l’impôt complémentaire résiduel au travers des entités constitutives (soit des entités faisant partie du groupe national ou multinational), dans l’Etat dans lequel elles sont situées, grâce à l’application de règles de répartition spécifiques.
Par ailleurs, les Etats membres ont la possibilité d’introduire la règle de l’impôt minimum domestique national qualifié (QDMTT). Sur base de cette règle, c’est l’Etat dans lequel est établie l’entité faiblement imposée qui peut prélever l’impôt complémentaire. Cette règle permet aux pays qui la mettent en place de taxer un plus grand nombre de sociétés, et d’ainsi éviter que les impôts complémentaires ne soient prélevés dans les Etats des sociétés mères. Sur base des premières informations parues dans la presse, il est probable que la Belgique envisage de transposer cette règle en droit interne.
Dans le cadre de ce deuxième pilier, nous pouvons distinguer cinq étapes :
1. Déterminer si l’on relève du champ d’application des règles
En principe, les groupes multinationaux générant un chiffre d’affaires consolidés mondial annuel de minimum 750 MEUR pendant au moins deux des quatre années précédant l’année de revenus en question seront soumis à ces règles. Il est à noter que des exceptions ont été prévues, notamment pour les organisations internationales, les organisations à but non lucratif et certains fonds de pensions ou d’investissement. Bien que ces entités soient exclues du champ d'application de la directive, leurs revenus doivent être pris en compte pour déterminer si le seuil de 750 millions d'EUR est atteint ou non.
Afin d’éviter tout risque de discrimination entre les situations transfrontalières et les situations nationales, la directive 2022/2523 élargit le champ d’application aux groupes purement nationaux qui génèrent un chiffre d’affaires de plus de 750 MEUR.
2. Déterminer le résultat de chaque entité du groupe
Le résultat doit être déterminé pour chaque entité du groupe (y compris les établissements stables). A cette fin, on se base sur les données comptables telles qu’elles ressortent des états financiers consolidés établis conformément à une norme de comptabilité financière admissible ou agréée, auxquelles sont apportés certains retraitements.
3. Déterminer le total des impôts concernés
Les impôts concernés sont basés sur les notions comptables d’impôt courant mais également d’impôts différés. On se base sur les mêmes données comptables que pour les revenus et à l’instar de ceux-ci, certains retraitements sont nécessaires.
Il est important que chaque Etat membre s’assure des incitants fiscaux qui ont un effet sur le taux effectif d’imposition. En Belgique, la question se posera par exemple pour la déduction pour revenus d’innovation.
4. Calculer le taux effectif d’imposition
Le taux effectif d’imposition, calculé par année et par juridiction, se calcule en divisant le montant obtenu lors de l’étape 3 par le montant obtenu lors de l’étape 2. À cette fin, il y a lieu de procéder à une addition de tous les impôts concernés et de tous les revenus de toutes les entités de la juridiction en question. La formule peut être résumée comme suit :

Lorsque le taux effectif d’imposition est inférieur à 15%, il y a lieu de calculer un impôt complémentaire pour chacune des entités jusqu’à ce que le taux d’impôt minimal de 15% soit atteint.
5. Calculer le prélèvement d’impôt complémentaire
Le pourcentage de l’impôt complémentaire pour une juridiction est calculé selon la formule suivante :

Ce pourcentage doit ensuite être multiplié par le bénéfice excédentaire qui correspond au résultat de la juridiction tel qu’obtenu dans le cadre de l’étape 2, duquel il convient de retrancher les « bénéfices liés à la substance ». L’importance de cette exclusion dépend de la masse salariale et des immobilisations corporelles que les entités détiennent dans la juridiction en question. Plus cette substance est importante dans un pays, plus le prélèvement complémentaire est réduit.
Par ailleurs, la directive 2022/2523 prévoit que l’impôt complémentaire dû pour les entités constitutives situées dans une juridiction est égal à zéro pour une année fiscale si les deux conditions suivantes sont cumulativement réunies lors de cette même année fiscale :
- Le chiffre d’affaire admissible moyen de l’ensemble des entités constitutives situées dans cette juridiction est inférieur à 10 MEUR ; et
- Le bénéfice ou la perte admissibles moyens de l’ensemble des entités constitutives de cette juridiction est une perte ou est un bénéfice inférieur à 1 MEUR.
La moyenne est calculée sur base du chiffre d’affaires admissible et du bénéfice ou de la perte admissible moyen(ne) de l’année de revenus et des 2 années précédentes.
Il est important de noter que les règles de procédure concernant le prélèvement de cet impôt ne sont pas encore clairement définies.
Conclusion
Cette directive européenne implique que les Etats membres de l’Union européenne se voient dans l’obligation d’introduire un régime qui garantit un niveau minimum d’imposition mondial dans le chef des multinationales. Cette dernière doit être transposée par les Etats membres pour le 31 décembre 2023 au plus tard.
Les groupes multinationaux basés en Europe et soumis à l'obligation de déclaration pays par pays (CbCr) doivent prendre des mesures pour déterminer s'ils entrent dans le champ d'application de la directive, comment ils collecteront et traiteront les informations requises, quel sera l'impact dans chaque juridiction où ils opèrent, si des exemptions sont disponibles, quelle entité sera qualifiée d'« entité mère ultime » ou d'« entité mère intermédiaire » et où le(s) impôt(s) complémentaire(s) devrai(en)t être payé(s) en fin de compte.
Au niveau belge, les projets de textes pour la transposition de ces règles ne sont pas encore connus. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés une fois que les textes seront publiés, mais cela ne vous empêche pas d'agir dès maintenant et d'analyser l'impact de l'impôt minimum mondial sur votre société.
Enfin, il convient de mentionner qu'en attendant la mise en œuvre de la directive, la Belgique a récemment introduit une sorte d'impôt minimum de 15 %, en limitant la déduction des latences fiscales reportées à concurrence de 40% (auparavant 70%) du résultat supérieur à
1 MEUR. Par conséquent, les bénéfices dépassant 1 million d'EUR seront toujours soumis à un taux d'imposition effectif de 15 % (60 % du revenu imposable restant multiplié par le taux légal de l'impôt des sociétés de 25 %).