Ère post-Covid : vos travailleurs transfrontaliers souhaitent continuer à télétravailler ? (update 4 décembre 2022)

Les autorités belges et des pays voisins ont pris plusieurs décisions importantes peu après le début du premier confinement et ont conclu des accords bilatéraux qui ont permis de maintenir inchangé, dans un certain nombre de situations, le prélèvement fiscal et parafiscal sur les salaires des travailleurs frontaliers dans les situations transfrontalières avec les pays voisins.

Toutefois, si vous souhaitez toujours permettre à vos travailleurs de télétravailler de l’autre côté de la frontière après la levée de ces mesures (temporaires) liées au COVID, vous devez encore prendre beaucoup d’éléments en considération. Il est préférable de les examiner soigneusement au préalable afin d’éviter des conséquences (para)fiscales négatives, et ce, tant pour le travailleur que pour l’employeur concerné.

 

Mesures spécifiques aux travailleurs frontaliers pendant le COVID

Sécurité sociale

Les instances de sécurité sociale, tant en Belgique que dans nos pays voisins, ont assez rapidement décidé, dès le premier confinement, d’exclure les périodes de télétravail effectuées par les travailleurs frontaliers dans le pays d’origine en raison des mesures COVID-19 pour déterminer le régime de sécurité sociale applicable. Ces mesures d’exception ont permis d’éviter un glissement temporaire de la sécurité sociale pendant la pandémie de COVID-19.

 

Impôts sur le revenu

Les autorités fiscales belges et frontalières ont également conclu des accords bilatéraux afin d’éviter, autant que possible, les conséquences imprévues d’un transfert fiscal. Ces conventions bilatérales COVID prévoyaient plusieurs dérogations aux dispositions des conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique avec ces pays.

Entre autres, les accords bilatéraux stipulaient que toutes les heures de travail des travailleurs effectuées à domicile en raison des mesures COVID-19 pouvaient être considérées comme des jours de travail effectués dans le pays où les activités auraient été exercées en l’absence de ces mesures. Par conséquent, les revenus relatifs à ces prestations pourraient continuer à être imposables dans l’État d’emploi.

Malgré le fait que les accords bilatéraux COVID conclus entre la Belgique et les pays voisins ne comportaient pas de mesures spécifiques relatives aux établissements stables, l’OCDE a recommandé que, grâce aux mesures COVID-19, l’exécution exceptionnelle et temporaire du travail à partir du pays de résidence (télétravail) ne donne pas lieu à un établissement stable imposable en vertu de la convention de la part de l’employeur.

 

Expiration des décisions COVID et des accords bilatéraux

Les accords COVID-19 ont finalement pris fin le 30 juin 2022.

Initialement, cela aurait également été le cas pour la sécurité sociale. Cependant, la Commission administrative européenne a introduit à la mi-juin une nouvelle période transitoire jusqu’au 31 décembre 2022 pour la sécurité sociale. Cette période transitoire a récemment été prolongée jusqu’au 30 juin 2023.

Pendant cette période transitoire, les États membres et la Commission administrative examineront des situations spécifiques pour voir si un changement structurel des règles applicables est nécessaire. Elle permet également à toutes les parties concernées de s’adapter à des schémas de travail modifiés. Par conséquent, jusqu’à cette date, les jours de télétravail ne seront pas pris en compte pour déterminer la législation de sécurité sociale applicable au travailleur. Le télétravail transfrontalier n’entraînera alors qu’un changement du régime de sécurité sociale applicable à partir du 1er juillet 2023.

Toutefois, une notification Limosa (le cas échéant) est à nouveau obligatoire à partir du 1er juillet 2022 (cette notification n’était pas obligatoire pendant la période de neutralisation du COVID).

 

Que se passera-t-il après la fin des mesures COVID-19 ?

Il est désormais évident que pour de nombreuses professions, une grande partie du travail peut être effectuée à domicile. Dans la pratique, nous voyons déjà des employeurs permettre le télétravail un ou plusieurs jours par semaine pour attirer des talents et pour améliorer la rétention des travailleurs.

Pour les entreprises souhaitant autoriser leurs travailleurs frontaliers à effectuer une partie de leurs heures de travail à domicile, même à l’ère post-COVID, il est important d’examiner minutieusement les implications de cette mesure au préalable et de s’aligner sur la législation pertinente. En effet, le télétravail peut entraîner des conséquences en matière de fiscalité, d’emploi et de droit social pour le travailleur. Pour l’employeur, le télétravail peut également avoir un impact en termes d’obligations (de retenue) et d’imposition de ses résultats.

 

Sécurité sociale

La règle principale est qu’un travailleur est assuré socialement dans son pays de travail. Si un travailleur frontalier effectue également une partie de son travail depuis son pays de résidence, la législation de sécurité sociale de l’État de résidence s’applique, à condition qu’il effectue au moins 25 % de son temps de travail total depuis l’État de résidence. Si cette proportion est inférieure, la législation de sécurité sociale du pays où se trouve l’employeur s’applique.

 

Impôts sur le revenu

Un travailleur frontalier qui travaille également en partie depuis son pays de résidence est imposé dans les deux pays. Les salaires et les prestations versés pour les jours de travail dans le pays de travail d’origine seront dorénavant imposés dans ce pays. Les salaires pour les jours de télétravail dans le pays de résidence ainsi que pour les voyages d’affaires en dehors du pays de résidence et du pays de travail initial, par exemple, peuvent être imposés dans le pays de résidence.

Contrairement à la sécurité sociale, l’emploi dans le pays de résidence n’est pas soumis à une part minimale lorsque l’imposition se déplace vers le pays de résidence. Même si le salarié ne travaille qu’occasionnellement à domicile, ces jours sont en principe soumis à l’impôt en Belgique.

Les revenus des télétravailleurs transfrontaliers pourraient donc potentiellement être imposés deux fois, ce qui entraînerait des litiges (longs et coûteux) entre les employés/employeurs et les administrations fiscales des États membres.

 

Droit du travail

Le « lieu de travail habituel » est le lieu où le salarié passe la majeure partie de son temps de travail. Cela ne change pas lorsqu’il travaille temporairement dans un autre pays. Par conséquent, pour un travailleur frontalier qui télétravaille à partir de son pays de résidence, il convient de déterminer si cette situation n’est que temporaire ou si elle va perdurer.

Dans le premier cas, le droit du travail choisi à l’origine continue de s’appliquer comme avant, sauf si l’employeur et l’employé en conviennent autrement. Si la situation est de nature plus permanente, elle peut avoir un impact sur le lieu de travail habituel du travailleur.

Si le télétravail est d’une ampleur telle que le pays de résidence devient le lieu de travail habituel du travailleur, les dispositions obligatoires de la législation du travail du pays de résidence qui lui sont plus favorables doivent être appliquées. Mais même dans la situation où un salarié travaille en moyenne un jour par semaine à domicile, les dispositions de la loi spéciale obligatoire de l’État de résidence doivent être prises en compte, et l’emploi sera donc régi par deux systèmes juridiques.

Chaque situation nécessite donc une analyse spécifique pour déterminer si les dispositions impératives du pays de résidence sont plus favorables au salarié que le droit du travail initialement choisi par les parties.

 

Constitution de la pension complémentaire

Si le travailleur est soumis à la législation de sécurité sociale du pays de résidence en raison du télétravail, il convient également de vérifier si les conditions d’affiliation au régime de pension complémentaire du pays de travail initial continuent d’être remplies. En effet, les règlements de pension exigent parfois que le travailleur soit soumis à la législation de sécurité sociale du pays de l’employeur.

Même si les conditions d’affiliation sont par ailleurs remplies, il est également important d’examiner si le transfert fiscal aura un impact sur le salaire ouvrant droit à pension.

 

Impôt des sociétés

Le télétravail dans un contexte transfrontalier peut également avoir des implications en matière d’impôt sur les sociétés pour l’entreprise.

Avant d’accepter le télétravail depuis le pays de résidence, il est préférable pour une entreprise d’examiner si le fait de travailler depuis un bureau à domicile donnera lieu à un établissement stable imposable dans ce pays. Plusieurs éléments matériels peuvent entrer en ligne de compte (le bureau à domicile est-il une condition essentielle du contrat de travail, le travailleur est-il libre de décider de l’endroit où il effectuera son travail, etc.)

Si les représentants peuvent travailler à domicile, il convient certainement de vérifier s’ils ont le pouvoir de conclure structurellement des contrats ou d’en négocier les éléments essentiels au nom de la société étrangère depuis leur pays de résidence, sans intervention matérielle de la société étrangère.

Pour les administrateurs, il est important d’examiner si la société est toujours gérée à partir d’un lieu central ou s’ils prennent et appliquent les décisions depuis leur lieu de résidence.

Si l’on ne tient pas suffisamment compte des conséquences fiscales du télétravail pour le compte de l’entreprise, des discussions avec l’administration fiscale étrangère sont imminentes. Dans la pratique, ces discussions aboutissent souvent à une double imposition et à des procédures longues et coûteuses, non seulement pour l’entreprise elle-même, mais aussi pour les employés et les administrateurs.

 

Politique harmonisée pour les télétravailleurs

De nombreux rangs réclament un régime structurel et harmonisé pour les travailleurs frontaliers au Benelux. Dans un avis, le Comité économique et social européen cite certains points douloureux dans les réglementations nationales actuelles des États membres concernés et formule des recommandations à l’intention de la Commission européenne pour qu’elle élabore concrètement une telle solution structurée. Toutefois, compte tenu de la longueur du processus législatif nécessaire à la mise en œuvre de ces mesures, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les nouvelles mesures soient appliquées à court terme.

 

Que pouvez-vous déjà entreprendre ?

Si vous êtes une entreprise souhaitant que ses travailleurs frontaliers puissent télétravailler à l’ère post-COVID depuis leur pays de résidence, il est préférable d’effectuer au préalable une analyse approfondie des implications. En effet, il est prévu que tant les autorités du lieu d’établissement de l’entreprise que celles du pays de résidence des travailleurs frontaliers effectuent des contrôles ciblés sur le bon respect de la législation nationale et internationale.

Vous pouvez déjà commencer avec les éléments suivants.

 

  • Analyse préliminaire :
    • des implications fiscales et juridiques concrètes de la nouvelle situation d’emploi pour l’entreprise et pour les télétravailleurs concernés.
    • de l’impact financier - brut net et par coût salarial.

 

  • Informer les travailleurs des implications fiscales et juridiques concrètes concernant les nouvelles modalités d’exercice du travail.

 

  • Droit du travail :
    • préparation d’un avenant au contrat de travail tenant compte des dispositions obligatoires du pays de résidence.
    • rédaction/adaptation du règlement du travail/manuel du personnel dans le pays de résidence/pays d’origine de travail.
    • rédiger/adapter une politique de télétravail visant à assurer l’égalité de traitement de tous les travailleurs, quel que soit leur lieu de résidence.

 

  • Sécurité sociale :
    • Enregistrement en tant qu’employeur dans le pays de résidence lors de changements dans la législation applicable en matière de sécurité sociale.
    • Vérification de la nécessité de souscrire/actualiser d’autres polices d’assurance pour le télétravail de vos travailleurs étrangers.
    • Demande de déclaration A1.
    • Vérifier la nécessité d’une notification préalable dans le pays de résidence du travailleur frontalier lors du maintien de la sécurité sociale dans le pays de travail initial.

 

  • Fiscalité - Payroll :
    • Lancement d’une paie dans le pays de résidence de l’employé si des cotisations de sécurité sociale et/ou un précompte sur les salaires dans le pays de résidence sont dus.
    • Ajustement du traitement des salaires dans le pays d’origine du travail.
    • Informer ou aider les travailleurs transfrontaliers sur les modifications apportées aux déclarations fiscales dans le pays de résidence et le pays de travail d’origine.
    • Déclarer l’impôt des sociétés dans le pays de résidence si celle-ci est permanente.
    • Évaluation et respect des autres obligations fiscales fondées sur la législation fiscale du pays de résidence si l’entreprise ne dispose pas d’un établissement permanent.

 

  • Constitution de pension complémentaire :

Évaluation de l’impact éventuel du déplacement de la sécurité sociale sur la constitution des pensions extralégales.

 

  • Structure de rémunération :

Évaluation de la nécessité/opportunité d’adapter la structure de rémunération : indemnité de déplacement, indemnité forfaitaire de télétravail...

 

Contact

BDO dispose des experts nécessaires pour vous aider à analyser l’impact du télétravail transfrontalier sur votre entreprise. N’hésitez pas à les contacter.

 

 

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