Télétravail BE/Pays-Bas : clarification concernant la création d'un établissement stable

Un accord récent entre la Belgique et les Pays-Bas offre des clarifications quant à l’approche concernant les situations de télétravail au départ du domicile des travailleurs transfrontaliers susceptibles d’engendrer un établissement stable.

Le 23 novembre 2023, les autorités compétentes belges et néerlandaises sont parvenues à un accord sur la manière de traiter les travailleurs transfrontaliers travaillant de leur domicile. L'accord, qui a été publié au Moniteur belge le 12 décembre 2023, donne de nouvelles indications sur les éléments qui seront retenus par les autorités fiscales des deux pays pour déterminer si le travail à domicile de salariés dans leur pays de résidence engendre l’existence d’un établissement stable matériel (ci-après, « ES »).

En vertu de l'accord, le "télétravail occasionnel" (il s’agit en pratique, de la situation dans laquelle le salarié travaille de son domicile dans son état de résidence à concurrence de 50 % au plus de son temps de travail durant une période de douze mois) ne donnera pas lieu à un ES. Pour ce qui concerne le "télétravail structurel" (c'est-à-dire lorsque le salarié travaille à son domicile plus de 50 % du temps de travail), tout dépend (i) de l'existence d'une option réelle de travailler à partir d'un bureau fourni par l'employeur étranger et (ii) de la régularité de l'exercice de cette option. A cet égard, un espace de bureau au sein du domicile du salarié ne sera en principe pas davantage considéré comme étant à la disposition de l'employeur étranger, si ce dernier tient un espace de bureau à disposition de ce salarié et qu'il n'est donc pas obligé de travailler à domicile du fait de l'absence d'une alternative réaliste. Dans le cas contraire, il peut y avoir des raisons de conclure que le bureau à domicile est une installation fixe d'affaires à la disposition de l'employeur étranger. Il s’agit donc d’analyser la réalité factuelle. Une installation fixe d’affaires à disposition de l’employeur engendrerait une présence imposable, à moins, bien entendu, que les activités de l'employé exercées à distance soient exclusivement de nature auxiliaire ou préparatoire.

Il est assez remarquable que l'accord fasse référence à des critères autres que juridiques, généralement retenus dans le passé par le Service des Décisions Anticipées (par exemple, la mention du siège social comme lieu de travail principal dans le contrat de travail). Cela indique clairement que les autorités fiscales belges (et néerlandaises) privilégient le fond sur la forme et qu'elles auront un œil critique sur tout document qui ne reflète pas la réalité factuelle. Le concept de mise à disposition "de facto" est évidemment une zone grise, dans la mesure où elle laisse beaucoup de place à l’interprétation. En effet, cette approche ne permet pas de répondre à des questions telles que, par exemple, ce qu'est une distance raisonnable entre le domicile et le lieu de travail.  

Il convient de noter que l'accord ne porte que sur la qualification du bureau à domicile en tant qu'installation fixe d'affaires. Il ne traite pas de l'établissement stable résultant de la présence d’un agent dépendant (représentant commercial). Par conséquent, si le représentant commercial travaille moins de 50 % de son temps de travail à partir du siège social, mais qu'il est habilité à conclure des contrats, la société étrangère peut toujours être considérée comme disposant d'un établissement stable imposable en Belgique.

Cet accord de nature bilatérale, dont l’approche est évoquée dans une question parlementaire du 26 mai 2023, donne des indications précieuses sur le point de vue des autorités fiscales belges. Les Pays-Bas s'étant ralliés à cette position, il n'est pas exclu et même attendu que d'autres pays voisins suivent et/ou que les autorités fiscales belges appliquent également ces principes dans le cadre d'autres conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique.  

En lien étroit avec ce sujet, il est utile de noter qu'une récente décision du Service des Décisions Anticipées confirme que la présence d'un employé en Belgique pendant plus de 30 jours, effectuant des services purement internes (c'est-à-dire des activités qui ne sont pas en contact avec la clientèle ou liées à un projet, et ne constituent donc pas un établissement stable imposable en vertu de la convention), n'est pas considérée comme un établissement belge en vertu du droit national belge, c'est-à-dire le fait générateur, entre autres, du dépôt d'une déclaration fiscale en Belgique, du paiement d'une cotisation (sociale) annuelle à charge des entreprises, du paiement d'un précompte professionnel sur les rémunérations imposables en Belgique, etc.

Toutefois, une décision anticipée n'a pas de force contraignante générale, la loi n'est, à notre avis, pas claire sur ce point et les autorités fiscales belges présument qu’une obligation déclarative est requise lorsqu'une société étrangère est enregistrée en tant qu'employeur en Belgique. Par conséquent, nous recommandons à nos clients de continuer à remplir une déclaration à l’impôt des non-résidents (néant) dès qu'un ou plusieurs employés sont présents en Belgique pour une période excédant 30 jours, même si l’employé passe moins de 50 % du temps consacré à son activité professionnelle à son domicile. Cette approche pourra être réévaluée dès lors que l'Administration centrale compétente en cette matière, aura confirmé son (dés)accord avec la position du Service des Décisions Anticipées.

N'hésitez pas à contacter votre conseiller BDO ou l'un de nos experts, Olivier Michiels, Patrick Mathieu ou Alexandra Martin, si vous avez besoin d'aide pour évaluer l'impact de ce qui précède sur votre position fiscale belge.