Fusion entre sociétés sœurs – proposition de loi modifiant le régime fiscal

Résumé en 5 messages clés :

  1. Transposition de la directive européenne sur la mobilité : en juin 2023, la directive européenne sur la mobilité a été transposée dans le droit belge des sociétés introduisant de nouvelles règles pour les transformations, fusions et scissions transfrontalières, ainsi que des modifications sur les restructurations nationales.
  2. Nouvelles formes de restructuration : la loi a introduit de nouvelles formes de restructuration, telles que la scission partielle non proportionnelle et la fusion silencieuse entre sociétés sœurs. 
  3. Modification de la législation fiscale : l’introduction de ces nouvelles formes de restructuration a nécessité une adaptation de la législation fiscale, y compris une modification des définitions fiscales de ces formes de réorganisation dans le CIR92 ainsi qu’une modification de l’article 2 § 1, 6°/1 CIR92, afin que la fusion silencieuse entre sociétés sœurs soit désormais également qualifiée d’opération assimilée à une fusion par absorption. 
  4. Incertitudes fiscales et proposition de loi : Des incertitudes fiscales concernant le traitement des réserves exonérées et des réductions de capital dans le cadre des nouvelles formes de fusion ont conduit à une proposition de loi déposé en janvier 2025 pour répondre à ces incertitudes, notamment par des modifications à l’article 211 CIR92.
  5. Droits d’enregistrement et ancrage légal : l’exonération des droits d’enregistrement pour les restructurations est confirmée y compris pour les cas où aucune nouvelle action n’est émise, comme pour les fusions silencieuses mère-fille et entre sociétés sœurs, grâce à une modification de l’article 117 § 1 du C. enreg.
En juin 2023, la transposition de la directive européenne sur la mobilité (sur les transformations, fusions et scissions transfrontalières) est entrée en vigueur dans le droit belge des sociétés. En plus d’introduire un corps de règles harmonisé au niveau européen relatif aux transformations, fusions et scissions transfrontalières, cette transposition a également eu un impact sur les restructurations nationales.

Pour rappel, la loi introduisait, à côté d’une nouvelle forme de restructuration transfrontalière (la scission partielle transfrontalière), deux nouvelles formes de réorganisations au niveau national :
  1. la scission partielle non proportionnelle : La possibilité de réaliser une scission partielle de manière non proportionnelle est également introduite. Cela signifie que dans ce cas, des actions peuvent être émises tant par la société bénéficiaire que par la société scindée et être réparties sans devoir s’aligner sur le pourcentage d’actions détenu par chaque actionnaire avant l’opération. Il est donc possible suite à une scission d'émettre en faveur des actionnaires de la société scindée au choix des actions (i) de la ou des sociétés absorbantes (ii) de la société scindée ou (iii) à la fois de la ou des sociétés absorbantes et de la société scindée.
  2. la fusion silencieuse entre sociétés sœurs : Alors qu'auparavant une fusion silencieuse n'était possible que si la société absorbante détenait 100 % des actions de la société absorbée, la procédure de fusion silencieuse est désormais également applicable si les actions des sociétés qui fusionnent sont détenues directement ou indirectement par une seule personne ou sont détenues dans la même proportion par les mêmes personnes.


Modifications législation fiscale

L’introduction de ces nouvelles possibilités de restructuration a également nécessité une adaptation de la législation fiscale. En vertu de la loi du 28 décembre 2023, les définitions fiscales des différentes formes de réorganisation dans le CIR92 ont été modifiées. L’article 2, § 1, 6°/1 CIR92 a ainsi été modifié afin que la fusion simplifiée entre sociétés sœurs soit désormais également qualifiée d’« opération assimilée à une fusion par absorption ». Cependant, ladite loi s’est limitée à une adaptation des définitions fiscales et n’a pas modifié, entre autres, l’article 211 CIR92.
 
Cela engendre les incertitudes fiscales suivantes :
  • Conformément à l’article 211, § 1, 2° CIR92, les réserves exonérées constituées par la société absorbée ne sont pas imposées dans le cadre d’une fusion, scission ou opération assimilée, dans la mesure où les apports sont rémunérés par l’émission de nouvelles actions à cet effet. La loi prévoit une exception pour les situations où la société absorbante détient des actions de la société absorbée (fusion mère-fille). Cependant, cette disposition n’a pas été étendue à la nouvelle fusion simplifiée entre sociétés sœurs, où aucune nouvelle action n’est émise, mais où la société absorbante ne détient pas d’actions dans la société absorbée.
  • En outre, l’article 211, § 2, alinéa 1er CIR92 prévoit que, si l’apport est rémunéré autrement que par des actions nouvellement émises par la société absorbante, le montant des fonds propres de la société absorbée est reduit dans le chef de la société absorbante à concurrence de la partie de l’apport qui n’est pas rémunérée par l’émission de nouvelles actions. Là encore, aucune exception n’a été prévue pour la fusion simplifiée entre sociétés sœurs, bien qu’une telle fusion n’entraîne pas de diminution des fonds propres malgré l’absence d’émission de nouvelles actions.
En raison de ces incertitudes fiscales, la nouvelle réglementation relative aux fusions simplifiées entre sociétés sœurs est restée largement lettre morte en pratique. Pour y remédier, une proposition de loi (Chambre, 56, 0654/001) a été déposée le 15 janvier 2025.

Un nouvel article 211, § 2, alinéa 4 CIR92 prévoit désormais que, si les apports ne sont pas rémunérés parce que toutes les actions et autres titres conférant des droits de vote émis par les sociétés absorbée et absorbante sont détenus par une seule et même personne ou lorsque les associés ou actionnaires des sociétés fusionnantes détiennent leurs titres et actions dans les sociétés fusionnantes dans la même proportion avant la fusion, aucune réduction n’est imputée sur le capital libéré et les réserves.


Droits d’enregistrement

Cette occasion est également mise à profit pour définitivement réglementer une autre incertitude des restructurations. 

Lors de réorganisations, une exonération des droits d’enregistrement s’applique à condition que l’apport (par voie de fusion, scission ou autre) soit rémunéré par l’attribution d’actions ou de parts représentant des droits sociaux. Une lecture littérale de l’article 117, § 1 du C. enreg. pourrait toutefois susciter des doutes quant à l’application de cette exonération dans le cas d’une fusion mère-fille « silencieuse », où aucune nouvelle action n’est émise. La Cour de cassation a déjà jugé, dans un arrêt du 9 mars 2006, que cette exonération s’applique également à de telles opérations (Cass. 9 mars 2006, C.04.0095.N). L’article 117, § 1 du C. enreg. est désormais complété par un nouvel alinéa, ancrant ainsi cette interprétation dans la loi.

Comme mentionné ci-dessus, aucune nouvelle action n’est également émise dans le cadre d’une fusion entre sociétés sœurs. Étant donné que le taux zéro pour les droits d’apport ne s’applique qu’en cas d’apport pur (c’est-à-dire rémunéré par des droits sociaux), une interprétation stricte pourrait soumettre l’apport de biens immobiliers à un droit proportionnel. Un nouvel alinéa 4 à l’article 117, § 1 du C. enreg. confirme que l’exonération des droits d’enregistrement s’applique également à une fusion entre sociétés sœurs.


Entrée en vigueur


Si la proposition de loi est adoptée (ce qui est attendu), les adaptations seront applicables à partir du 16 juin 2023 (date d’entrée en vigueur de la loi du 25 mai 2023). Les clarifications fiscales s'appliquent donc également aux sociétés qui ont déjà eu recours à la procédure de fusion silencieuse entre sociétés sœurs.


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