1. Phase préalable au SPA
Lettre d'intention (LOI)
Le processus de cession commence souvent par une déclaration d’intention émanant de l’acheteur (LOI). Le vendeur cherche généralement à rendre les termes de celles-ci aussi concrets et liants que possible, et à limiter les possibilités de rétractation de l'acheteur. L'acheteur, à l’inverse, préfère conserver une certaine marge de manœuvre, en s’engageant sur un prix indicatif établi sur la base d’hypothèses sujettes à confirmation.
Vu les incertitudes actuelles concernant la CS, le vendeur pourrait être tenté de vouloir augmenter le prix d’acquisition afin de couvrir l'impact potentiel de la taxation de la plus-value. Cependant, la plus-value ne concerne et n’impacte en rien la valeur intrinsèque de l’entreprise. En outre, les « plus-values historiques » étant exemptées, la question se pose de savoir si la simple mention d'un « prix » dans une LOI signée par les deux parties suffit à conférer à la plus-value un caractère historique (au sens de la réforme) ? A minima, un rapport d'évaluation externe servant de base à l’établissement de la LOI s’avérerait nécessaire pour donner du poids à cet argument.
Due Diligence (DD)
Le prix proposé pour les actions (voir LOI) est souvent conditionné aux résultats de la due diligence menée par l’acheteur, ce qui lui offre la possibilité de réviser le prix proposé, voire même dans certains cas de se retirer de l’opération. Notons toutefois que l’acheteur ne peut pas se rétracter « à la légère ». Un vendeur pourrait contester le retrait de l'acheteur et réclamer des dommages-intérêts, selon les circonstances.
Selon nous, la CS ne modifiera pas la portée et la dynamique habituelles d'une due diligence. Cependant, un acheteur qui aurait initialement accepté une augmentation du prix en raison de la CS pourrait utiliser cette phase pour renégocier celui-ci à la baisse et compenser l’augmentation initialement consentie.
Structuration de l'Acquisition
Les transactions M&A, notamment lorsqu’un fonds de private equity est impliqué, sont structurées de manière spécifiques, entre autres pour assurer un effet « levier » (acquisition financée par la dette). Les groupes de sociétés, quand ils sont sell side, procèdent quant à eux souvent à des restructurations préalables afin de pouvoir mettre sur le marché un périmètre d’acquisition bien défini.
La CS pourrait également susciter, du côté vendeur, l’intérêt de procéder à des restructurations préalablement au lancement d’un processus de vente. Par exemple en extrayant, via une procédure de scission partielle, les « actifs phares » de la société, pour les placer dans une autre société dont les actions (détenues par les actionnaires de la société scindée) seront par la suite revendues à un tiers.
Ce type de restructuration permettrait-il d’exprimer, dans la comptabilité du groupe, une plus-value « historique » et donc exonérée de CS ? Comme les éléments transférés dans le cadre d’une scission partielle le sont le plus souvent à leur valeur comptable pour pouvoir prétendre à la neutralité fiscale de l’opération, il semble que non. Qu’en est-il cependant si le rapport d’échange (qui permet de déterminer le nombre d’actions à émettre en échange des éléments transférés) est établi sur la base de la valeur de marché des éléments transférés, attestée par le rapport d’un réviseur d’entreprises ? Dans ce cas, le caractère historique de la plus-value pourrait-il être garanti ?
2. Phase SPA
Définitions
Les SPA contiennent des définitions très détaillées, dont une portant sur la notion d’« impôt ». La mise en place de la CS ne nécessitera pas, selon notre analyse, une révision approfondie de la définition d’« impôt » classiquement admise dans un SPA, sauf si la CS prenait la forme d'une retenue à la source (peu probable).
Déclarations et garanties
Si tout se passe bien, les parties signent finalement le SPA, le vendeur fournissant des déclarations et garanties à l'acheteur, dans des termes qui peuvent pencher en faveur de l’un ou de l’autre, en fonction du type de risque (fiscal, juridique, social, etc.) et du secteur d’activités. En cas de violation des déclarations et garanties, le vendeur indemnisera l’acheteur du dommage subi et cette indemnisation sera le plus souvent constitutive d’une réduction du prix d’acquisition.
Prenons l’exemple d’une transaction sur actions ayant généré une plus-value taxable de 1.000.000 € pour le vendeur, qui paie l’impôt sous-jacent en totalité en 2026. En 2027, le vendeur indemnise l’acheteur à concurrence de 200.000 € en raison d’un dommage. Il est essentiel que le SPA prévoie de manière spécifique que cette indemnisation sera constitutive d’une réduction de prix pour permettre au vendeur de réclamer l’impôt trop perçu.
Conditions suspensives et résolutoires
Une transaction sur actions peut être exécutée en deux phases : d’abord, la signature du SPA (signing), et plus tard, lorsque les conditions suspensives sont levées, la réalisation de la transaction et le transfert effectif de la propriété des actions (closing). Une condition suspensive fait dépendre la réalisation définitive de la transaction de sa satisfaction.
Certains vendeurs individuels pourraient-ils chercher à finaliser la vente de leurs actions en 2025, avant l’entrée en vigueur hypothétique du CS au 1er janvier 2026, afin de conserver le bénéfice de l’exonération fiscale alors que l’acheteur n’a pas encore pu réaliser ou finaliser sa due diligence ? Dans ce cas, l’acheteur deviendrait propriétaire des actions alors qu’il n’a pas pu terminer son travail d’analyse.

Comme la finalisation accélérée de la transaction a été imposée par le vendeur, l'acheteur souhaitera pouvoir résoudre la vente (en intégrant dans le SPA une condition résolutoire) si la due diligence révèle des éléments négatifs. Cette solution, bien que créative, peut engendrer de nombreuses interrogations d’un point de vue juridique. Qui est responsable de l'entreprise entre le closing et la date (butoir) de réalisation de la condition résolutoire ? Le prix d'achat aurait déjà été payé, la CS éventuelle versée aux autorités fiscales, mais elle devra faire l’objet d’un remboursement en cas de résolution de la vente, etc. Cette approche est donc à déconseiller.
3. Phase post-SPA
Paiement différé du prix des actions
Pour le vendeur, il est préférable de recevoir un paiement immédiat et intégral du prix de vente au moment du closing. Cependant, régulièrement, l'acheteur négociera un paiement différé d’une partie du prix, que ce soit pour ajuster celui-ci sur la base de paramètres financiers qui n'étaient disponibles que sur une base estimative préalablement au closing et qui seront fixés définitivement après le closing (tels que le niveau du besoin en fonds de roulement), ou pour payer, de manière différée dans un temps, un complément de prix (earn-out) dont le montant sera calculé sur la base de l'évolution d’indicateurs clés de performance tels que l’augmentation du chiffre d'affaires ou de la marge brute après la clôture.
En principe, la CS devrait se calculer sur la base du prix définitif total de la transaction, même si une partie est versée ultérieurement. Toutefois, une question se pose : que se passe-t-il si la partie fixe du prix (avant earn-out) est payée avant que la CS n'entre en vigueur, mais que le paiement des earn-out est réalisé une fois la CS entrée en vigueur ? Peut-on arguer que l'earn-out n'est pas couvert par la CS, étant donné qu’il est considéré comme une partie du prix d'achat qui a été déterminé avant l'entrée en vigueur de la CS bien qu'il soit payé après son entrée en vigueur ?
Collaboration ultérieure entre l'acheteur et le vendeur après la clôture et intégration
L'acheteur demande souvent que le vendeur reste (temporairement) actif dans l'entreprise vendue pour accélérer son intégration dans le groupe de l’acheteur. Lorsque le vendeur perçoit également une partie du prix sous forme d'earn-out, une distinction claire devra être établie entre le volet earn-out et le volet honoraires de services car ces éléments ne sont pas soumis au même régime de taxation (l'earn-out est soumis à la CS, tandis que les honoraires de service sont considérés comme un revenu soumis à l’impôt sur le revenu).
4. Conclusion
Oui, la taxation des plus-values aura un impact sur la documentation juridique, mais elle ne changera pas fondamentalement la structuration classique des transactions. La vente d'actions d'une entreprise par des vendeurs individuels restera un processus complexe où rien ne peut être laissé au hasard. Il sera essentiel de matérialiser les attentes et les objectifs des parties dans des clauses claires pour garantir une transition et une intégration réussies.
Dans notre prochain numéro, nous analyserons l'impact attendu de la réforme sur la valeur d'une prise de participation majoritaire et minoritaire. En attendant, ne vous laissez pas surprendre par celle-ci et contactez dès maintenant nos collègues BDO pour comprendre l'impact potentiel de la CS sur votre transaction, notamment dans le cas où celle-ci est scindée en deux phases, dont une préalable et une postérieure à l'entrée en vigueur de la réforme.

Pour toute question sur l'impact de la réforme sur la structuration des transactions M&A ou la documentation sous-jacente, contactez notre équipe juridique M&A:

Pierre Queritet

Didier Leclercq
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Alexandre Streel

Corentin Wallon
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Laura Dewez

Anne Belleflamme
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